
Le « Borée », construit à Saint-Malo, était un quatre-mâts latin en bois, de jauge brute : 998 tonneaux et de jauge nette : 882 tonneaux. C’était l’un des plus grands 4 mats construits en bois et de ce fait il était fragile. Certains l’avaient surnommé le sous-marin.
Toussaint Lanneau en prend le commandement le 22 octobre 1923 à Nantes (il s’appelle peut-être alors le « Président Clémenceau »). Les propriétaires sont à ce moment les armateurs Gautier et Gautier, 19, boulevard Lelasseur à Nantes. Nantes est le port d’attache du navire.
Après une longue période de travaux, le « Borée » part de Nantes le 17 février 1924. La traversée est difficile : grand vent et mer grosse. Il arrive le 13 avril à Brunswick, port du sud des États-Unis sur l’Atlantique, en Géorgie, à égale distance de Savannah et Jacksonville. Le « Borée » est amarré à Davenport’s dock le 14 avril.

Des réparations à Brunswick
Dès son arrivée le Capitaine entreprend des démarches pour faire réparer le navire et en particulier une voie d’eau. Le 16 avril, le Capitaine Torras, expert de la Lloyd, recommande de mettre en cale sèche le navire pour réparations. Mais cela implique un remorquage à Jacksonville situé à plus de 100 km. Devant le coût exorbitant, le bureau Véritas de Jacksonville est contacté et Monsieur John Bland, agent du bureau français de Véritas à Jacksonville, propose après expertise que le navire soit réparé sur place, à condition que dès son retour il soit mis en cale sèche. L’expertise a nécessité la décharge du lest et a révélé en particulier des défauts de calfatage d’un bout à l’autre du navire, des pompes abîmées par le sable du lest, des avaries de l’appareil de gouverne, des voiles déchirées et une voie d’eau. Les réparations sont confiées à la Brunswick Marine Construction Corporation et débutent le 1er mai. Pour la voie d’eau un plongeur est venu le 10 mai faire, sous l’eau, une réparation de fortune. Les travaux sont achevés le 13 mai.
Le 13 mai John Bland examine le navire et estime que des travaux supplémentaires sont nécessaires. Le 14 mai les réparations supplémentaires sont achevées et le Capitaine Torras envoie un rapport favorable à John Bland. Le 27 mai les papiers permettant le départ du navire sont enfin signés par John Bland. Le chargement en pitchpin est commencé depuis le 24 mai.
Le « Borée » ne partira de Brunswick que le 9 juillet 1924. Il arrive le 31 juillet à Grimsby (Angleterre). Le mauvais temps a encore fait subir au navire des avaries ; des voies d’eau ont occasionné un surmenage de l’équipage aux pompes de cales, que le Capitaine Lanneau signale aux armateurs à son arrivée. Le déchargement du pitchpin se fait à l’Alexandra Dock dès le 1er août.

Des réparations à Grimsby
Le 2 août, à la demande du Vice Consul français de Grimsby, I. Whiten et J. Wood font un rapport confirmant le mauvais état du navire. Le mât de beaupré s’est déplacé, nécessitant des réparations des épontilles qui le soutiennent, des haubans et du gréement. La voie d’eau est si importante que l’expert recommande l’installation à bord d’une pompe de secours. Des taquets et des bossoirs sont arrachés. Le calfatage est de nouveau à vérifier d’un bout à l’autre et celui du pont du gaillard d’avant est à refaire. Deux focs sont déchirés et l’un est à remplacer. Il n’y a pas d’information sur les réparations faites à Grimsby. Le « Borée » est conduit (peut-être en remorque) jusqu’à Dunkerque, avec un équipage de 8 hommes, à la fin de septembre. Il y arrive sans doute le 4 octobre. Cette fois il est rapidement mis en cale sèche.
Un courrier abondant entre les armateurs, Gautier et Gautier, et le Capitaine indique l’importance des travaux. Il s’agit du calfatage des fonds jusqu’à 1 mètre au dessus de la flottaison, confié à la Société Française de Peintures et Vernis dont Monsieur Basse est le Directeur, puis de la peinture, confiée à Monsieur P. Rafin, et enfin d’une réparation de la fausse quille et d’une modification du gouvernail, confiées à Monsieur Cornemuse. Pour le calfatage il faut gratter le brai existant, remettre de l’étoupe là où il en manque, puis remettre du brai ; il faut aussi mastiquer les chevilles. L’une des lettres évalue cela à « moins de 2.000 mètres de calfatage ».
Le 17 octobre le « Borée » sort de cale sèche. Les travaux se font semble-t-il à la satisfaction du Capitaine. Le navire est amarré dans l’arrière-port, en couple du « Georges Clémenceau ». Les travaux extérieurs se poursuivent et sont achevés le 4 novembre 1924. Le navire ne fait pratiquement plus eau.
Dès le 18 octobre les armateurs parlent de nouveau fret pour le golfe du Mexique puis pour la Jamaïque et enfin pour le Brésil avec un départ en janvier.
Le « Borée » ne repart pas
Il semble que Toussaint Lanneau quitte le navire le 2 décembre. Le 24 décembre 1924 les armateurs lui proposent de commander le « Boulinier » petit trois-mâts goélette. Mais les conditions de travail ne sont pas avantageuses.
Le 16 janvier il apprend que le « Georges Clémenceau » s’est couché sur le « Borée » et lui a cassé un bout de sa lisse qui a été réparée aussitôt. Le 22 juillet 1925, Gautier et Gautier lui propose encore un voyage éventuel avec le « Borée » pour la Jamaïque.