L’Atlantique

L’Atlantique. (c) National Library of Australia ~ State Library of Victoria

A la mi-juillet 1917, alors qu’il est à la recherche d’un nouvel embarquement, il reçoit des informations lui faisant penser qu’il sera mobilisé. De ce fait il semble attendre la fin de l’année pour reprendre sa recherche.

le 17 janvier 1918, il reçoit une proposition pour devenir Capitaine d’un bateau de plaisance, l’« Isabel May », à Tahiti. C’est une goélette de 95 tonneaux. Il ne donne pas suite à cette proposition.

La compagnie Bordes est mise en liquidation et ses activités sont reprises par la Compagnie Française d’Armement et d’Importation de Nitrate de Soude. Le 21 janvier 1918, cette nouvelle société lui propose d’être Second sur l’« Atlantique ». Il accepte cette proposition et rejoint l’« Atlantique » à Saint-Nazaire le 31 janvier 1918.

Le capitaine n’est pas encore choisi. Le bateau reste donc à Saint Nazaire. Vers le 10 février Jeanne rejoint son époux avec Marcel, pendant que Yvonne qui n’est pas en très bonne santé à cause d’une chute à l’école reste avec son grand père paternel et son petit chien Loro à Kerniet. Jeanne et Marcel rentreront à Trémel vers le 25 mars et retrouve Yvonne encore mal en point.

Finalement le capitaine sera François Le Page. Après des travaux d’inventaire, de chargement, l’installation d’une TSF, le bateau, retardé par le mauvais temps, part le 12 avril escortée par le convoyeur l’Aisne. Le 15 mai 1918 il arrive à Norfolk et il débarque ses canons à Hampton Road.

Torpilleurs dans le bassin de radoub du Norfolk Navy Yard, 1905. (c) Library of Congress, USA
Port d’embarquement de Hampton Roads, Première Guerre mondiale. (c) Daily Press.

Le 19 mai il arrive à Newport-News où il est chargé. Il en part pour Miami le 30 juin.

Pendant cette période leurs lettres parlent de la santé d’Yvonne, de l’inconfort de Kerniet où Jeanne loge maintenant avec son beau-père : elle a sans doute quitté les Rosmoduc. Elle espère aller bientôt s’installer dans la maison de Plestin.

Le 15, 16 et 17 juillet l’Atlantique est à Miami où l’on procède à de petites réparations.

Miami River, Miami, vers 1900-1915.

Le 11 septembre il arrive à Rio après des calmes et des vents contraires. Il décharge du charbon. Le bateau est alors réquisitionné.

Photo du quartier de Botafogo et du Pain de Sucre prise depuis le point de vue de Dona Marta par Augusto Malta en 1910. Collection de l’Instituto Moreira Salles.

Le 21 septembre, il embarque diverses marchandises dont des arbres. Il part de Rio le 6 octobre pour Bahia où il chargera du Manganèse.

Vue partielle du Comércio et du port de Salvador de Bahia en 1917. Revista Bahia Illustrada, Rio de Janeiro, anno 1, n., p.9, 1917.

Toussaint se plaint alors de son équipage qui, par suite de la guerre, est composé de beaucoup de non-professionnels, certains étant là dans un cadre disciplinaire et espérant une amnistie. Le 14 novembre le bateau part de Bahia, le 16 janvier 1919 il arrive à Philadelphie et il est sur le départ dès le 22 février.

Passeport de Toussaint Lanneau lors de son entrée dans le port de Philadelphie le 16 janvier 1919.

Mais le Commandant François le Page tombe gravement malade et Toussaint Lanneau décide d’attendre qu’il soit transportable pour repartir. D’agréables soirées avec le Commandant Deschamps. Après avoir accosté à l’entrée du Delaware le 8 mars le bateau part pour la Pallice le 10 mars 1919. Il s’échoue sur le Bombay Hook et ne repart vraiment que le 17 mars. Il arrive à La Pallice vers le 10 avril 1919. Jeanne vient le rejoindre sur son bateau. Toussaint reste à bord jusqu’à la fin avril. L’« Atlantique » est finalement désarmé à La Pallice le 6 juin 1919.

Port de La Pallice. Vue du quai nord et de ses docks. (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel – (c) Communauté d’Agglomération de La Rochelle

Les lettres de Jeanne parlent de la future vente de Kerharo. Mais Jeanne parle surtout de ses difficultés à s’installer en location dans la maison de Plestin. Mr Morvan qui l’occupe ne veut pas la quitter bien que le bail soit achevé en septembre 1918. Jeanne va tenter des démarches ; elle aura l’appui de Mr de Rosmorduc ; mais le résultat sera que Mr Morvan ne quittera la maison qu’à la mi-avril 1919. La grippe espagnole sévit, aussi bien en Bretagne qu’aux Etats-Unis.

La maladie du commandant

Tout au long du voyage le commandant François Le Page est malade. Mais pour en parler à son épouse à mots couverts, Toussaint parle de Jeanne Lanneau.

Lettre de Toussaint le 30 septembre 1918 : « Au début comme je te le disais je me faisais parfois de la bile en pensant à Jeanne Lanneau (tu te rappelles du jour de ton départ à Saint Nazaire !), mais à la fin on s’habitue à tout voir. Mais je plains quand même la pauvre Jeanne Lanneau. Elle est vraiment sans caractère. »

lettre du 8 novembre  » Depuis notre arrivée ici c’est aujourd’hui que je vois pour la première fois Jeanne Lanneau bien portante. La maladie de Saint Nazaire le jour de ton départ ne le quitte pas très souvent. Tu comprends ainsi mon ennui et la cause de ma maladie de nerfs. »

Lettre du 25 janvier : « Sur une de tes dernières lettres tu me parles de Jeanne Lanneau. C’est navrant !!! 10 jours sur 15 elle est malade et souvent 10 jours de rang. Parfois elle se lève 2 fois par jour mais est obligé de se recoucher. Je me suis très souvent fait de la bile et non sans raison car je sais que les suites seront très graves pour elle malheureusement. Et pourtant je t’assure que j’ai fait mon possible pour essayer de la rétablir, mais je perds courage car je crois qu’il n’y a rien à faire. »

Lettre du 29 janvier 1919 : « Jeanne Lanneau ne va guère mieux parait-il ; elle se lève un jour pour se recoucher 4 de rang. La maladie est chronique et on n’y peut rien. Nous supposons un peu les conséquences. Elle a des nouvelles de son mari mais ne lui a pas répondu. »

Lettre du 6 mars 1919 : « Le Capitaine a été appelé à New York pour affaires à régler avant le départ du navire. Il s’y rend mardi matin. Le soir, à six heures, en revenant à la gare de New York pour prendre le train de retour, il est frappé de congestion. Par télégramme j’ai appris la nouvelle, et hier matin, à huit heures, je prenais le train pour New York où j’ai trouvé le Capitaine à l’hôpital, mais dans un état assez satisfaisant à ce moment. Heureusement qu’il a eu des soins empressés lorsqu’il est tombé dans la rue. Il est revenu aujourd’hui à bord, assez bien portant. »

Yvonne Lanneau a plusieurs fois raconté qu’après son malaise François le Page était évidemment hors d’état de conduire le navire. Cependant, faire repartir le bateau en le laissant à New-York était pour François le Page une catastrophe. C’est pourquoi Toussaint Lanneau décida d’attendre qu’il soit suffisamment remis pour qu’on puisse le transporter sur le bateau. Puis il fit le retour en ayant, dans la pratique, l’entière responsabilité du voilier. La lettre adressée à son épouse ne mentionne pas ces faits car elle pouvait être lue par des personnes appartenant à la compagnie et nuire à François Le Page.

Après l’arrivée du bateau à La Pallice, Toussaint Lanneau reconduit peut-être François Le Page à Paris ou chez lui.

Le 8 mai 1919 Deschamps lui écrit « Monsieur Pierre nous a raconté que très probablement Mr Le Page serait remplacé. »