
Jeanne vit le départ de Toussaint avec inquiètude : « Je suis brave … C’est pour notre bonheur que nous nous sommes séparés … Je trouve une place vide à Chateau Bily ». Pendant quelques jours elle se demandera si elle est enceinte, mais dès le 9 juillet elle sait qu’elle ne l’est pas.
Le bateau part de Dunkerque le 4 juillet, et il arrive le 7 juillet à North Shields, avec embarquement de charbon et achats de meubles. Ils peuvent encore s’envoyer des lettres.


Le 14 juillet Toussaint sachant qu’il part le lendemain pour Iquique envoie une longue lettre à Jeanne lui annonçant qu’elle sera sans nouvelle pendant trois mois. Il espère être de retour en février ou mars.
Le 15 juillet 1906 l’Adolphe part de North Shields pour le Chili. Premier passage du Cap Horn pour Toussaint. Il arrive à Iquique le 12 novembre. L’Adolphe ayant mis beaucoup de temps pour ce voyage, il a été annoncé comme perdu par certains journaux. Voici ce que Toussaint écrit de ce voyage : « La traversée a été de 120 jours, nous n’avons pas été favorisés par le vent : en Manche, de la brume et des vents contraires nous ont retenus 10 jours. En Atlantique au contraire, le temps assez beau nous a fait parcourir assez rapidement. J’ai été rebaptisé en passant la Ligne. Au Cap Horn, nous avons passé vingt-huit jours au milieu d’une tempête et d’une mer démontée. Pendant ce temps, à peine si nous avons parcouru quelques kilomètres.

Ensuite, dans le Pacifique, nous sommes remontés dans le Nord assez vite, et dans la matinée du 12 Novembre nous aperçûmes la terre d’Iquique.
Je t’assure que ce n’est rien de beau à voir ! C’est un triste pays : pas un brin d’herbe, pas un arbre, nulle part, de tous côtés on ne voit que des montagnes de sable. Et au pied de ces monstres énormes apportés par le vent, la triste ville d’Iquique dont les maisons, ou plutôt les maisonnettes, sont des cabanes en bois. Bien que vous devez sentir l’hiver en ce moment, ici au contraire on se trouve en été, et la chaleur est étouffante mais le climat est sain.
Je ne peux te dire le jour, ni même le mois, de mon départ de ce port. Mais on ne partira pas beaucoup avant Noël, car le déchargement de 3 000 tonnes de charbon que nous avons à bord demandera beaucoup de temps, et ensuite il faudra embarquer le salpêtre. Je vois donc que j’aurai peu de chance d’arriver en France avant les examens à Saint-Brieuc ; mais dans ce cas, je pourrai au besoin rejoindre un autre centre d’examen. »

Jeanne lui écrit des lettres dès le 28 aout ; elle lui raconte sa vie au service des Rosmorduc. Le 5 novembre la famille s’installe à Rennes au 56 boulevard de Sévigné parce que les enfants Rosmorduc, Tanguy et Tugdual vont suivre des cours dans cette ville. Jeanne y est parfois cuisinière. A plusieurs reprises dans ses lettres Toussaint suggère à Jeanne de quitter les Rosmorduc mais elle ne le fera pas.
L’Adolphe repart d’Iquique le 23 décembre 1906 après déchargement du charbon et embarquement du salpêtre. Il arrive à Dunkerque, après son 2ème passage au cap Horn, le 5 avril 1907. Le capitaine Le Corfec fait un très bon certificat à Toussaint.

Toussaint quitte l’Adolphe et retrouve son épouse dés le 7 avril sans doute à Rennes et à Convenant Prat. Pendant son absence, en janvier 1907, un examen se déroule auquel il n’a pu participer.